lundi 18 décembre 2017

Vous reprendrez bien de la choucroute ?

D'abord timide, petit à petit, je constate un véritable retour de la mouvance krautrock. Et je m'en réjouis, certains des albums sortis ces dernières années faisant partie des plus enthousiasmants de mes découvertes récentes. Dans ce billet je vous propose donc de découvrir Camera, Die Verboten, DBFC, Fujiya & Miyagi et quelques autres... Mais avant ça je devine que certains se demandent ce que c'est que ce genre musical au nom barbare dont ils n'ont jamais entendu parler. Commençons donc par un petit rappel historique...

A la fin des années 60, puis dans les années 70, alors que psychédélisme et rock progressif prennent leur essor à travers le monde, la jeunesse allemande se met aussi au rock planant, mais le fait à sa façon. Là où rock psychédélique et rock progressif s'intéressaient à la musique classique, le krautrock s'inspire lui de la musique contemporaine et la recherche sonore. Irmin Schmidt et Holger Czukay, deux membre fondateurs de Can (l'un des groupes les plus important de la mouvance), étaient d'ailleurs des élèves de Karlheinz Stockhausen. Une partie des groupes qui ont fait émerger le genre expérimentent avec toute cette nouvelle technologie des synthétiseurs qui révolutionne le langage musical. Citons Tangerine Dream, Klaus Schulze et Kraftwerk. D'autres groupes conservent les instruments traditionnels du rock (basse, guitare, batterie) mais choisissent avec cette formule organique de développer des boucles hypnotiques qui s'inspirent des boucles sur bandes ou de la musique minimaliste répétitive. Can, Neu! et Faust en sont les principaux artisans.

Si vous comprenez bien l'anglais je vous conseille de regarder ce documentaire passionnant pour en savoir plus sur le krautrock :


En 2012 j'eus l'agréable surprise de découvrir le groupe allemand Camera, qui avec leur premier album "Radiate" ravivaient brillamment la flamme du krautrock façon Can et Neu!. Le trio (Franz Bargmann : guitare, Michael Drummer : batterie, Timm Brockmann : basse et claviers) s'est d'abord fait connaitre en jouant des jams impromptus dans la rue ou dans le métro. Adoubés par Michael Rother, le leader de Neu!, le groupe restitue parfaitement l'anticonformisme et la liberté musicale du krautrock original.



Allons faire un petit tour du côté de la Belgique maintenant. Les frères Dewaele avaient pondus deux des meilleurs albums d'electro-pop que je connaisse sous le nom de Soulwax. Mais depuis un album de remix en 2005, le groupe n'avait plus donné de nouvelles. Apparemment en 2007 ils s'étaient associés à deux musiciens anglais sous le nom Die Verboten pour enregistrer un album témoignant de leur amour pour le krautrock. Sauf que ce n'est que 8 ans plus tard que ce disque est sorti ! En clin d’œil à son année d'enregistrement l'album s'appelle "2007". Nom de groupe allemand, synthés analogiques, morceau intitulé E40 (nom d'une autoroute européenne), les références aux groupes fondateurs du genre (et notamment à Kraftwerk) sont nombreux. Et l'album est une pure merveille ! Un de mes préférés de l'année 2015, et qui ne me quitte plus depuis tant l'envie de le réécouter me revient régulièrement !


Il se trouve que Soulwax a enfin effectué son retour tant attendu avec "From Deewee" en 2017. Et l'expérience Die Verboten a vraisemblablement laissé des traces puisque cet album laisse apparaitre des influences krautrock qui ne faisaient pas partie du son du groupe jusqu'alors.

Le nouveau Soulwax à peine découvert, je tombe sur "Jenks", premier album d'un duo franco-anglais appelé DBFC dont le son est très proche de ce que faisaient Soulwax sur leur deux meilleurs albums. Et si eux aussi font appel à des influences assez larges (Madchester, synthpop, electro-house...), le krautrock en est une non négligeable dans leur son. J'écoute "Jenks" en boucle depuis quelques temps et il figurera sans aucun doute parmi mes albums préférés de l'année !



Ma dernière découverte en date, et déclencheur suite à tous les autres de l'envie de vous faire un petit topo sur ce retour du krautrock, c'est le dernier album de Fujiya & Miyagi intitulé "Different blades from the same pair of scissors" sorti il y a tout juste un mois. Encore une petite merveille qui restitue parfaitement l'esprit des groupes originaux.

Citons encore deux artistes français avant de terminer, qui même s'ils mont moins marqué, méritent quand même d'être mentionnés. Turzi a sorti trois albums intitulés "A", "B" et "C" depuis 2007. Souhaitons lui de réussir à faire tout l'alphabet. Enfin, l'artiste électro Joakim évoquait le krautrock sur son album "Milky Ways" en 2009.




C'est bien beau tout ça, mais quel rapport avec la choucroute me direz vous ? Ah ça, si comme moi vous aviez fait allemand 1ère langue, vous seriez que "kraut" signifie choucroute. Nom inventé par la presse anglaise à l'époque, un peu moqueuse, pour qualifier ce son particulier du rock allemand. Le krautrock c'est donc le rock choucroute !!! Bon, accessoirement ça veut aussi dire "herbe", ce qui paraitrait plus raccord avec ce style de musique planant, qu'on appelait aussi kosmische musik (musique cosmique).

lundi 20 novembre 2017

Le Bon Coin Forever

Dans mon dernier billet je vous parlais de Forever Pavot, dont le deuxième album qui vient de sortir est encensé par la presse en ce moment. Entre son premier et son deuxième album, Emile Sornin (le multi-instrumentiste qui se cache sous le nom de Forever Pavot) a participé à un projet complètement fou : aller enregistrer un album chez des gens qui ont mis des instruments insolites à vendre sur le bon coin !

Je trouve ce concept excellent ! On le doit à Guillaume Chiron, « curateur éducation-recherche », en charge des résidences et des activités du Confort Moderne, une salle de musiques actuelles à Poitiers. Emile Sornin a eu la bonne idée de proposer au documentariste François-Xavier Richard de le suivre pour témoigner des rencontres avec les particuliers et de l'élaboration et l’enregistrement en direct de morceaux chez eux.



Ce documentaire de 26 minutes aux allures de "J'irai dormir chez vous" (en l’occurrence "j'irai enregistrer un album chez vous") est passionnant ! On y voit Emile Sornin se rendant chez les gens avec sa valise contenant un ordinateur portable, un micro et une carte-son dans une main, un pied de micro dans l'autre ; puis prendre connaissance de l'instrument et commencer à improviser des mélodies. « J’ai essayé de ne pas trop préparer à l’avance ce que j’allais faire, j’arrivais un peu les mains dans les poches. Lorsque je tenais une mélodie sur un orgue, j’imaginais parfois ce qu’un autre instrument pourrait apporter. Mais les meilleurs morceaux restent ceux que j’ai le moins pensés. »

L'album résultant tient sur un 45 tours, 9 titres instrumentaux ne dépassant jamais les 2 minutes, aux ambiances cinématographiques ou étranges (on pense notamment à Pascal Comelade ou encore à Pink Floyd dans leurs délires les plus expérimentaux).

Le mot de la fin à Emile Sornin :  
“Ces quelques titres, il ne faut pas les prendre comme de véritables chansons. Enfin, à chacun de voir, mais je vois plus ça comme des fragments, inspirés par l’ambiance dans laquelle je me trouvais et du feeling que j’avais avec les gens.”

Liste des instruments utilisés :
Accordéon, Alarme modifiée, Analog modular system Doepfer, Balafon, Bombarde, Bonhomme gigueur, Clavier Bontempi modifié, Congas, Contrebasse, Cymbalum, Dulcimer, Epinette, Farfisa Matador, Flûtes à bec, Guitare Egmond, Guitare électrique préparée, Harmonium Magnus, Guitare, Guimbarde thailandaise, guitare double manches, Jomox Xbase 999, Korg Poly‑800, Khen Orgue à bouche, Orgue à tubes, Lap steel, Piano, Violon, Roland D-50, Roland CR‑78, Scie musicale, Sonnettes, Saz, Sitar, Toy piano, Trompette, Vibraphone, Washboard, Yamaha Electone D-80

vendredi 17 novembre 2017

L'émergence du rock psyché français, 2ème partie : les groupes qui chantent en anglais

En septembre je vous parlais de l'émergence d'une scène de groupes psychédéliques chantant en français. Thématique qui écartait d'office les groupes français qui ont choisi de chanter en anglais. Ceux-ci méritent pourtant aussi un gros coup de projecteur, car je trouve les frenchies hyper doués pour le genre actuellement ! Alors que ce sont des groupes internationaux qui reçoivent toute l'attention médiatique et les honneurs, tels Tame Impala (Australie), Temples (Angleterre) ou Jacco Gardner (Pays-Bas), aucun de ceux que je viens de citer n'est aussi bon selon moi que les petits frenchies que je m'apprête à vous présenter !

Sudden Death of Stars
Ces rennais ressuscitent merveilleusement la pop psychédélique des années 60 et évoquent le Pink Floyd de Syd Barrett ou les Byrds époque "Younger than yesterday". S'ils n'ont pas encore percé auprès du grand public, les anglais ne s'y sont pas trompés puisqu'ils sont signés sur Ample Play, le label de Cornershop.



Alba Lua
Dans un style assez proche (cependant moins marqué années 60), l'unique album paru en 2013 des bordelais d'Alba Lua devrait également plaire aux amateurs de jangle pop.



Dorian Pimpernel
Dans un billet en 2010 je vous parlais déjà de ce groupe qui à l'époque n'avait sorti qu'un EP 4 titres avant de disparaître de la circulation. Bonne nouvelle, le groupe a refait surface pour nous pondre un album complet en 2014 ! Toujours dans un style assez proche des deux groupes mentionnés précédemment, Syd Barrett est le premier nom qui vient à l'esprit quand il s'agit de comparer leur univers à celui d'un nom connu.



Forever Pavot
En voilà un qui aurait eu toute sa place dans mon précédent billet. En effet, sur son nouvel album qui vient de sortir, Forever Pavot chante plus en français qu'en anglais. Sa particularité est que son univers musical psychédélique est également très influencé par les B.O. des années 60 de François de Roubaix ou de Francis Lai.



Encore deux groupes qui méritent d'être mentionnés pour finir, même si je n'ai pas autant accroché à leurs albums que les groupes précédents : Yeti Lane (qui chantent eux aussi parfois en français) et Melody's Echo Chamber, talentueuse française dont le premier album a été produit par le leader de Tame Impala.

lundi 6 novembre 2017

Steven Wilson et Pumarosa, le choix d'une pop à la fois accessible et sophistiquée

En promotion pour son nouvel album "To the Bone", Steven Wilson répète inlassablement à tous les journalistes ce qui a motivé sa conception : son constat qu'on ne faisait plus des albums comme dans les années 80 qui se voulaient accessibles au grand public tout en étant "sophistiqués" et "intelligents" selon ses propres mots. S'en suit sa liste d'artistes qui maniaient à merveille ce subtil équilibre dans les eighties : Tears fo Fears, Peter Gabriel, Kate Bush, Talk Talk, Depeche Mode.

Objectif atteint pour Steven Wilson selon moi, "To the Bone" étant une belle réussite artistique, tout en lui ayant permis d'atteindre une 3ème place (record de toute sa carrière) dans les charts anglais et une exposition médiatique plus importante que d'habitude (apparaissant pour la première fois dans des émissions et magazines grand public).



En parallèle, j'ai découvert 4 mois après sa sortie le 1er album du groupe anglais Pumarosa qui me paraissent dans une démarche similaire : des morceaux simples et directs qu'ils n'hésitent pour autant pas à étirer via des sections instrumentales tripantes, et des références aux années 80 (ils ont un son et un univers bien à eux, mais on perçoit quand même qu'ils ont dû être influencés par U2, The Cure et Depeche Mode. Ils sont d'ailleurs sur le label Fiction qui était le label des Cure et en première partie de Depeche Mode sur un certain nombre de dates de leur tournée européenne à venir).



Je vous conseille donc vivement ces deux albums, qui figureront très certainement dans mes albums de l'année dans quelques mois. J'y vois une similitude dans la démarche (être accessible tout en s'autorisant à sortir du cadre), même si on ne peut pas vraiment dire que les deux albums se ressemblent entre eux. Ceci étant dit, le morceau "The Witch" de Pumarosa n'est pas si éloigné que ça de ce que pourrait faire Steven Wilson, il me rappelle même un peu "Stop Swimming" de Porcupine Tree !


jeudi 28 septembre 2017

Le temps du rock psychédélique en français est enfin venu !

Je me souviens lorsque je n'étais encore qu'un jeune padawan, assoiffé de tout connaître en musique, j'avais demandé à maître MichMich "Y a-t-il eu une scène psychédélique en France dans les années 60"? Je venais de découvrir et étais fasciné par les incontournables coffrets Nuggets. Le volume II "Original Artyfacts From the British Empire and Beyond, 1964-1969" laissait apparaître des groupes hollandais, allemands, autrichiens, suédois, islandais, espagnols, tchèques, péruviens, uruguayen, brésiliens, mexicains, canadiens, australiens, néo-zélandais, japonais.. mais pas un seul groupe français !

Maître MichMich me sortit les deux albums de l'écrivain Jack-Alain Léger, l'un sous le pseudonyme  Melmoth, l'autre en tant que Dashiell Hedayat accompagné par le groupe Gong comme seuls exceptions. Il y avait aussi cette compilation : "Wizzz: Psychorama Français 66 - 71" qui loin de faire office de "mini Nuggets" français était plutôt décevante. Contrairement à ce qui se passait en Amérique ou en Angleterre, il ne s'agit pas ici de groupes qui se sont montés dans la mouvance des Beatles, mais bien de coups studios montés de toutes pièces ou de chanteurs ou chanteuses qui se raccrochaient à l'air du temps. Il n'y a sur cette compilation qu'un seul groupe, Les Fleurs de Pavot, et on apprend dans le livret qu'il s'agit en fait d'un coup commercial. On a "psychédélisé" (vêtements, pseudos, paroles, musique) un groupe déjà existant pour surfer sur la vague hippy.
Les 3/4 des artistes présents sur cette compilation sont en fait des chanteurs/chanteuses de variété à qui on a composé un morceau avec les sons de l'époque pour être dans le coup. On est donc bien loin de la créativité débordante dont témoigne une compilation comme Nuggets concernant les groupes psychédéliques ou garage américains et anglais. Dans le livret on nous explique qu'il n'y a pas vraiment eu de courant rock psychédélique en France... à l'exception de ces quelques morceaux figurant sur la compilation. Après écoute, j'en ai pour ma part conclu qu'il n'y a pas eu de rock psychédélique du tout dans les années 60 en France.


Mais mieux vaut tard que jamais, la France bourgeonne en ce moment de groupes ressuscitant le psychédélisme à leur manière, créant par là même une scène à part. Je vous invite donc à découvrir les groupes suivants qui ont jusqu'à présent retenu mon attention :

Moodoïd


La Femme
  

The Limiñanas


Santiago


Juniore


Sarah Maison

Vous pouvez participer au sondage dans la colonne de droite et me dire quel est votre groupe préféré parmi ceux-là. Mentionnez moi aussi en commentaire si vous connaissez des groupes actuels dans cette mouvance qui méritent d'être connus !...

jeudi 21 septembre 2017

Les fous du son

A travers ce pavé de 550 pages, Laurent de Wilde nous raconte les inventeurs et les inventions qui ont permis la musique électrique puis électronique. Il fait commencer son histoire à la fin du XIXème siècle avec l'invention du microphone, du phonographe, de l'ampoule et de la distribution de l'électricité. A partir des ces inventions, viennent ensuite les premières tentatives de synthèse sonore au début du XXème siècle (Telharmonium, Theremin, Ondes Martenot, Trautonium, orgue Hammond, Novachord, Solovox, Clavioline, Ondioline, Electronium, Electronic Sackbut). Puis les premiers échantillonneurs (Rhythmate, Chamberlin, Mellotron) et les pianos électriques (Fender Rhodes, Wurlitzer, Pianet, Clavinet). Dans la deuxième moitié du XXème siècle apparaissent les premiers synthétiseurs qui connaitront un succès populaire, développés par les marques Moog, ARP, EMS, Sequential circuits, E-Mu, Oberheim, Yamaha, Korg, Roland.

Laurent de Wilde est aussi bon écrivain que pianiste et cette bible est un régal à lire pour les amoureux de synthés de légende et les passionnés du son dont je fais partie. L'auteur y explique pédagogiquement la physique du son, fait découvrir des synthétiseurs extraordinaires non passés à la postérité, et raconte l'histoire et le contexte qui a amené certains grands inventeurs à la création de synthés devenus mythiques. Seul regret, que le livre ne soit pas accompagné de photos ni de sons des modèles qu'il nous décrit (voir carrément de vidéos qui répondraient directement aux deux attentes).